Les mythes de toutes cultures sont des récits fabuleux mettant en scène des personnages appartenant à des époques anciennes. Ils ont la particularité de représenter des thèmes universels de l’humanité. Par exemple : le mythe du Prince charmant et de la Princesse met en jeu la quête, chez l’être humain, d’une réconciliation entre les parties masculine et féminine.
La transformation psychique qui amène le héros, au cours de son voyage, à la sagesse, est certainement le thème le plus récurrent des mythes. Comme le héros, nous avons cette capacité à transformer notre identité, à aller au-delà de nos limites habituelles pour atteindre une autre forme de conscience.
Exemple : chaque étape de notre vie (naissance, adolescence, âge mur, retraite, vieillesse, mort) est le produit d’une transformation plus ou moins réussie de l’étape précédente.
Toute crise peut produire une transformation identitaire
Il en est de même pour une maladie grave, une déprime, une addiction ou un accident important.
Tous ces contextes nous appellent à grandir, à nous transformer.
Joseph Campbell (1904 – 1987), célèbre anthropologue américain, mythologue, professeur d’université, écrivain, a fait une étude poussée sur plus de mille mythes de diverses cultures, retranscrite dans son livre : « Le héros aux mille et un visages ». Lors de ses recherches, il a trouvé une structure récurrente concernant les étapes de la transcendance que doit traverser le héros dans son voyage. C’est cette traversée qu’il a nommée « Le voyage du héros ». Le contemporain Robert Dilts utilise ce concept tout en réduisant le nombre d’étapes à huit et en élaborant des outils pour aider à passer plus facilement ces étapes.
Les huit étapes du voyage :
1. Le Voyage du héros commence par un appel
De prime abord, il est souvent compris comme une crise à dépasser quelle que soit sa nature. En fait, et de façon inconsciente, l’appel est une demande d’ouverture à « être », à développer nos dons, nos vertus. C’est l’éveil de l’âme qui demande à nous faire grandir, à honorer la vie. Cela peut se traduire par une grande joie ou par une grande souffrance, parfois les deux en même temps. Cet appel n’a rien à voir avec les objectifs de l’ego qui désire la richesse, le pouvoir ou le bonheur. Ce n’est pas un long fleuve tranquille, sans quoi nous n’aurions pas besoin d’être un héros pour y répondre.
2. S’engager à suivre l’appel : aborder les résistances et le refus
Refuser l’appel c’est transformer l’aventure en sa négation, c’est être prisonnier de ses peurs. Cela nous plonge dans des schémas répétitifs de plus en plus dramatiques. Les mythes du monde entier montrent que le refus de l’appel revient en fait à privilégier son intérêt personnel (le connu), comme la chaleur et la sécurité de notre enfance, pour éviter d’affronter la réalité (l’inconnu) en homme responsable. La réalité est alors perçue comme dangereuse et l’autonomie difficile à atteindre.
Une part essentielle du travail, pour accepter l’appel, consiste à être conscient de nos faux-fuyants, de nos voix intérieures, de nos croyances du type « je ne suis pas capable », « à quoi bon… » et des messages de l’entourage : « ce n’est pas réaliste » ou « ce serait égoïste de changer ». Ces voix que Joseph Campbell appelait les ogres ont un effet paralysant et incitent à la routine, d’où des difficultés d’adaptation.
3. Traverser le seuil
Accepter l’appel nous amène à être confronté à un seuil au-delà duquel nous nous trouvons dans un territoire nouveau, au-delà de nos limites habituelles.
Suivre l’appel de l’autonomie, c’est se lancer sur un chemin inconnu, sans sécurité, où la routine n’est plus de mise : « le chemin commence quand il n’y a pas plus de chemin » (Patrick Chamoiseau, « le papillon et la lumière »).
Pour accepter de franchir le seuil et continuer son voyage, il est nécessaire de développer deux formes d’intelligence sur les modes intuitif et créatif :
- l’intelligence somatique liée au corps et à la signification de ses messages
- l’intelligence qui permet de décrypter ce qui est inscrit dans le système « plus large que soi » (système familial, généalogique ou autre).
4. Trouver des guides et mentors en territoire inconnu
Un héros est un être ordinaire qui affronte des circonstances extraordinaires. Pour trouver notre chemin dans ce territoire nouveau, nous avons besoin de soutien. Nous allons le trouver sous la forme de guides et de mentors, tout comme l’étudiant trouve le bon enseignant lorsqu’il est prêt. Le guide nous pilote dans ce nouveau territoire en nous faisant voir les dangers et les opportunités. Le mentor nous montre que nous avons de la valeur et nous aide à découvrir de nouvelles perspectives, à nous ouvrir la porte de l’inspiration et de la créativité.
A certains moments de notre vie nous avons rencontré, à des moments de transition, des mentors qui nous ont aidé à trouver notre voie. En général, ceux-ci restent présents à l’intérieur de nous pendant très longtemps.
5. Faire face aux épreuves : à nos démons, à notre ombre
Les démons sont des entités extérieures qui paraissent dangereuses et essayent de bloquer le héros dans son voyage. Ils apparaissent sous des formes variées (addiction, colère, maladie, ex-conjoint, etc.).
Pour une entreprise, cela pourrait être une crise financière, une récession, un nouveau concurrent ; pour une démocratie : des terroristes ou des dictateurs.
Bien sûr, nous ne devons pas baisser les bras devant nos démons extérieurs, qui sont souvent des métaphores de nos démons intérieurs. La manière de les affronter n’est pas de les combattre directement au risque de les renforcer, mais d’opérer une transformation intérieure.
6. Transformer le démon
Le démon lié à notre ombre est l’élément clé de cette transformation intérieure. En ce sens, il est important de l’accepter inconditionnellement comme une partie de nous qui demande à collaborer. Parfois, si l’on est prêt, le lâcher-prise se fait tout seul. Mais, souvent, nous ne sommes pas prêt à lâcher prise et un bon accompagnement peut favoriser notre évolution en termes de temps et de confort.
Lorsque la transformation se fait, nous évoluons psychologiquement et spirituellement, ce qui élargit notre identité et fait éclore nos dons. Symboliquement, c’est le crapaud qui se transforme en prince charmant.
7. Achever la tâche
Une fois que le démon a été transformé en guide, la transformation intérieure doit produire une concrétisation extérieure. Dans la mythologie, on parle des sept travaux d’Hercule. Quand on agrandit notre identité, la tâche extérieure renvoie à un travail intérieur qui consiste à faire collaborer l’ancienne identité avec la nouvelle, car il peut y avoir des conflits entre ces deux identités. Ainsi, un alcoolique qui arrête de boire ou un fumeur qui arrête de fumer peut être à nouveau tenté de boire ou de fumer. Ce n’est que lorsqu’il n’y a plus risque de récidive que l’énergie libérée peut être entièrement investie dans l’émergence des qualités liées à l’appel.
La personne passe alors de l’angoisse à la sérénité et pourra suivre un nouveau chemin sans dépendance à l’alcool ou au tabac.
8. Rentrer à la maison
Le retour chez soi consiste à réintégrer le voyage à l’intérieur de soi et à le partager avec d’autres. Diffuser ce que l’on a appris et acquis en termes de don ou d’identité élargie implique de faire un tri dans notre vie pour être en accord avec ce que nous sommes devenu.
Très souvent, le retour chez soi consiste aussi à transmettre et à être un très bon mentor pour les autres.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là car elle va recommencer avec une autre crise et un autre appel et ce, tout au long de notre vie.
En conclusion
Le Voyage du héros, inscrit dans notre inconscient collectif, porte le thème universel de la transcendance. Il nous incite à cheminer plus en conscience, à être le héros de notre propre voyage dans la vie pour nous amener à développer nos dons et notre raison d’être sur terre.
Il nous montre aussi que nous ne faisons pas le voyage seul car il est nécessaire de faire appel à des guides, des mentors symboliques ou réels et de considérer nos démons comme des éléments essentiels de notre évolution.
Joseph Campbell et Robert Dilts sont des mentors qui nous font prendre conscience du travail essentiel que nous avons à faire tout au long de notre vie. Car être le héros de notre voyage terrestre c’est évoluer en conscience, ce qui nous amène à la sagesse et à toucher du doigt le sens de notre vie.
Michel SORRENTINO
Formateur en connaissance de soi
Grenoble
Merci du contenu pertinent et intéressant de votre article.