Le masculin peut être maltraitant, destructeur. Ainsi, la population carcérale est surtout masculine. Pourquoi ces dérives : violence, crimes, abus… ?
Ces mêmes statistiques(1) montrent qu’il y a plus d’hommes à se suicider et qu’ils fréquentent davantage les services de psychiatrie. En parallèle, la proportion d’hommes dans les groupes de parole et de psychothérapie est minime. Et puis, les garçons ont moins d’amis et souffrent plus de solitude.
Ces faits montrent que ceux qui refusent de regarder leurs blessures s’enferment dans une rigidité intérieure. Ils cachent leurs souffrances. Ils veulent être forts, performants en toutes circonstances sans savoir gérer leur agressivité. Certains la retournent contre eux-mêmes, d’autres envers autrui. Notre société s’en trouve malade.
Le masculin est fragile ! Blessé, il dégage un profil spécial : mise à distance des sentiments, de la sensibilité, de la sensualité ; agressivité tyrannique ; rivalité, méfiance ; doutes sur sa légitimité ; troubles de l’identité. Les jeunes sont aussi bousculés par l’émergence de leur sexualité : la séduction, la gestion du désir (impuissance) et du plaisir (éjaculation précoce) fragilisent l’appropriation de la virilité. Et de nos jours, de jeunes homosexuels, en quête de pères, se présentent comme étant « Gay » avant de se dire homme ! Le masculin blessé peut être fracturé…
Comment en est-on arrivé là ? A l’adolescence, le « tendre petit garçon » cède sa place à un jeune homme « dur », agressif, fermé, peu communicatif et en quête d’identité. Etre « homme » est un mystère pour bien des jeunes.
Logiquement, les garçons sont validés par les hommes, particulièrement par leur père qui semble bien placé pour les aider ! Mais les familles monoparentales créent des pères plus absents que naguère. Alors, les contacts intimes, les discussions, les échanges vrais et profonds entre pères et fils sont rares. La responsabilité directe ou indirecte des pères est donc engagée.
L’émancipation récente des femmes dans le champ socioprofessionnel, où elles rivalisent avec les hommes, conteste l’image de l’homme essentiel à la survie du foyer. Le masculin des femmes s’est libéré, épanoui alors que celui des hommes s’est fripé. Des jeunes hommes ont ainsi perdu les repères de la masculinité qui accréditent le rôle paternel. Quelle sera leur place ? Leur rôle ? Comment ne pas reproduire les dysfonctionnements de leur père ? Comment se comporter, plus tard, face à leur femme, mère de leurs enfants et… face à leurs fils ?
Les jeunes, en manque de vraies références masculines, sont écartelés entre, d’une part, des idéaux masculins utopiques ou d’une autre époque qui brident l’épanouissement (par exemple, le célèbre poème de R. Kipling : Tu seras un homme, mon fils…) et, d’autre part, des images plutôt négatives du monde masculin. Certains compensent en s’intéressant uniquement à la gente féminine. C’est une erreur. Ils n’obtiennent qu’une consolation « maternelle » et se trouvent figés dans le statut d’éternel enfant. Les femmes ne peuvent que « confirmer » un homme, pas le valider !
Pour guérir son masculin blessé et valider sa condition d’homme puis l’aimer, chacun doit d’abord assumer ses blessures puis établir un vrai contact avec des pairs. On trouvera ainsi avec eux du réconfort et du soutien. Ensuite, on pourra s’identifier à leur image pour se sentir « Homme » et en paix.
Il est paradoxal de constater qu’assumer sa totale vulnérabilité nourrisse sa Puissance d’Homme ! Pourtant, il est vrai que le Masculin Sacré nait de l’Alliance intérieure des deux principes fondateurs de la personnalité : le masculin et le féminin intérieurs. Et cette Alchimie, en soi, comme lors de la conception, « crée ça » : le « ça-crée ». Ainsi, des hommes remarquables, mythiques pour certains, nous inspirent à l’incarner au quotidien. Gandhi, Nelson Mandela, le Christ ou le Buddha mais aussi des hommes, des pères anonymes qu’on peut côtoyer au quotidien, transmettent cette qualité sublimée de ce qu’est « Etre Homme ». Ils invitent à transcender les « énergies » des Archétypes(2) du masculin : le Père, l’Amant, le Sage et le Guerrier. Je nomme cette posture le Masculin Sacré. Car choisir l’altruisme et développer l’intégrité, l’engagement, le recul, la fermeté et la justesse tout en accueillant son Humanité (vulnérabilité, sensibilité, créativité) donne sens et profondeur à l’existence. L’homme élève ainsi son niveau de conscience et se place en résonance avec La Création.
L’homme meurtri est un privilégié. En effet, dès qu’il se connectera au Sens qui découle de la sublimation de ses énergies vitales, sa vulnérabilité lui donnera facilement accès à sa Puissance et son masculin blessé mutera naturellement en Masculin Sacré. Cela donne l’espoir de co-créer avec les femmes une société plus juste et harmonieuse.
Jacques LUCAS
Psychothérapeute,
enseignant de Tantra et accompagnateur de groupes d’hommes.
1 : des chiffres précis sont consultables sur internet :
– wikipédia.org/wiki/Population_carcérale_en_France
– lexpansion.lexpress.fr/economie/les-inégalités-hommes-femmes-chiffres_108730.
2 : Archétype vient du grec : Arkhé (image première) et Tupon (élan motivant la libido)
Merci