Repérer et identifier les signes multiples de souffrance au travail
L’usure professionnelle est un mal-être à hauts risques. Elle peut briser petit à petit tous les ressorts de la vie professionnelle, voire même personnelle. Elle mine progressivement la pulsion de vie quel que soit l’âge. Et reconnaître l’usure professionnelle, l’identifier, c’est faire appel à ce qui veut vivre en nous, à savoir notre force vitale. La prise de conscience de cette usure ne sera pas un coup de baguette magique : en effet, ce vécu douloureux peut conduire au désenchantement, à l’abattement, au retrait, mais il faut croire en notre capacité à surmonter et dépasser cette « épreuve ». Il est possible d’en sortir et d’en faire une source de valorisation pour soi.
Etre usé est autre chose qu’être fatigué
En effet, la fatigue professionnelle s’exprime par le fait de mettre toute son énergie dans son activité et cela se sait : heures supplémentaires, voyages, réunions, rencontres, productivité, le rythme est trépidant. Ce n’est pas l’usure qui en est le résultat, mais une fatigue intense.
L’usure (notion qui vient se substituer aujourd’hui à la notion de « burn out ») renvoie, elle, à la notion d’usage, d’action répétée, d’un service rendu de multiples fois. C’est aller au-delà du raisonnable, « trop tirer sur la corde » jusqu’à un point de rupture. Elle a quelque chose à voir avec de l’excessif. Être usé, c’est avoir eu à faire face à des conditions de vie et de travail vécues comme étant plus dures que la moyenne. : « J’ai trop donné… » inconsciemment complété par « et je n’ai pas assez reçu ! » ; « Je suis usé… » qui est autant un constat qu’un appel « je ne suis pas encore usé, je crains de l’être ».
L’usure va souvent de pair avec un trop fort investissement, amené soit par un souci d’être en permanence à la hauteur « au top », soit par une perte de confiance et d’estime de soi liée à des remarques blessantes, humiliantes, soit par l’impossibilité de tenir des cadences trop rapides, des délais trop courts, des tâches pour lesquelles la personne n’est pas formée…
Celui qui est usé se tait et est guetté par quelque chose de l’ordre de l’altération du goût de vivre
C’est une souffrance extrême, classée dans la catégorie des risques psychosociaux professionnels, consécutive à l’exposition à un stress permanent et prolongé. Il s’agit d’un stress particulier lié au travail comme le mentionne, Herbert J. Freudenberger, psychanalyste : « En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte. »
Les atteintes psychologiques et physiques montrent à quel point cet état d’épuisement professionnel peut être destructeur, car doté d’une sournoise efficacité de sape souterraine.
L’épuisement professionnel se manifeste par :
- le sentiment d’une fatigue chronique
- la sensation d’être « vidé », des troubles du sommeil avec une fatigue au réveil
- des troubles physiques (maux de ventre, mal de dos, dégradation de l’état général, manifestations de transpiration ou d’angoisse)
- la réduction des défenses de l’organisme, modifications biochimiques
S’ajoute à l’aspect physique, une diminution des ressources psychologiques avec chute de l’estime de soi, dévalorisation de son travail et de ses compétences, état de tristesse, désespoir, anxiété, manque d’attention, irritabilité, manque de motivation pour se lever et aller travailler. Les effets de cet état d’épuisement professionnel débordent sur la vie privée et plus généralement sociale (tendance à s’isoler).
Alors, quelles solutions peut-on apporter pour l’amélioration de l’équilibre professionnel et personnel ?
Quelle dynamique de prévention de la souffrance au travail peut-on mettre en œuvre pour soi ?
Prendre conscience de ce que l’on ressent dans son for intérieur, être à l’écoute des émotions liées à cet état et ressenties dans son corps, c’est déjà reprendre « les choses en main » pour soi, c’est à dire ne pas laisser cet état se dérouler alors que l’on est conscient des risques encourus. Les solutions peuvent résider dans les propositions suivantes :
- se mettre dans une dynamique de changement : par exemple, au niveau individuel, dans sa manière de vivre, sa façon d’être ou au niveau organisationnel, en appréhendant autrement son emploi
- se reposer : aide à retrouver un peu d’énergie mais n’agit pas en profondeur
- surtout ne pas négliger la place de la prévention : en diminuant les facteurs de stress et ses propres manifestations réactionnelles et ce, avec des techniques de gestion du stress (ateliers de bien-être) ou en travaillant sur les relations internes au travail (groupes d’analyse de la pratique professionnelle…) augmenter ses résistances individuelles : rechercher du soutien, solliciter un travail d’accompagnement, se donner des priorités/des perspectives professionnelles, reprendre un parcours de formation…
En conclusion, ce qui importe c’est de déterminer l’origine de cette fatigue intense, véritable signe d’alerte qui ne doit jamais être négligé, afin qu’une stratégie adaptée, une réponse puissent être formulées.
Et penser à s’accorder chaque jour des périodes de détente et de repos pour éviter l’excès de stress et le surmenage !
Frédérique MALANDAIN
Psychologue clinicienne Hypnothérapeute
Grenoble